Belco et Moi

Belco et moi
Par Edmée F. Bowles




Miss Edmée Bowles
Je suis née à Anvers, Belgique. Ma mère était belge et mon père anglais et écossais. La Première Guerre mondiale nous a conduits en Angleterre. Après l’armistice, je suis restée en Angleterre pour faire mes études en art. J’étais aussi intéressée par les expériences d’élevage et de nutrition.
Je suis retournée en Belgique en 1932, rejoignant ma mère qui avait acheté une propriété à Schilde, environ 15 km à l’est d’Anvers, sur la route principale vers la frontière allemande. La région est connue sous le nom de Campine, c’est un pays plat avec de nombreux boisés de pins.
L’ancien bâtiment de ferme ayant été détruit durant la Première Guerre mondiale; une nouvelle villa de style normand fut construite sur une colline. Elle était faite en briques solides avec de grandes cheminées. La maison avait deux  cachettes secrètes, ses constructeurs ayant retenus les leçons de la Première Guerre mondiale lorsque les Al chèvres lemands prirent tous les objets de valeurs : argenterie, cuivre, et même les couvertures de laine.
Nous possédions environ 5 acres (note du traducteur: environ 220 000 pieds carrés), de terrain en façade de la maison sur lequel nous avions aménagé un potager et planté des arbres fruitiers. Une longue allée d’environ 600 pieds menait à une autoroute où l’armée belge avait construit de nouveaux baraquements. L’allée était bordée d’une haie de vieux hêtres cuivrés d’un côté et d’une large bordure de fleurs qui fleurissaient depuis le début du printemps jusqu’à la fin de l’automne de l’autre côté. De nombreux conducteurs s’arrêtaient pour admirer la vue des larges prairies, tachetées ici et là par nos et oies de Westphalie.
Nous avions une vue splendide depuis notre véranda. Une grosse cloche était attachée au mur. Plus loin se trouvaient le large portail rustique, les étables, une grange et la maison du fermier. Puis il y avait encore des prairies et des pinèdes. Nos chiens couraient en liberté pour garder la propriété. Nous avions eu beaucoup de vols et de problèmes avec les brigands. Plusieurs gardiens avaient été blessés et leurs chiens tués. Derrière chez nous se trouvait la propriété de la baronne de Schilde.
Les chiens de Berger hollandais que nous avions acquis avec la propriété avaient été battus pratiquement jusqu’à la mort (ndt: Lors de la Première Guerre mondiale ?). Au début, j’avais quelques Bergers Belges, Bergers allemands et une paire de chiots Bouviers des Flandres: une femelle nommée Dash et un mâle nommé Dombey. Il y avait aussi un terrier, mais il n’était jamais à la maison quand on avait besoin de lui.
Mes Bouviers devinrent de grands chiens rustiques au poil dur, avec barbe et moustaches. J’étais impressionnée par la façon dont ces chiens restaient à la maison ainsi que par leur efficacité à rassembler les troupeaux de vaches, même en travaillant seuls. Peu à peu, les Bouviers surpassèrent toutes les autres races. Ils prirent en charge toutes les corvées. Le Bouvier est dur lorsque nécessaire, mais jamais méchant ni traitre. Sa présence suffit à dissuader les malfaisants. Il commande le respect par son attitude digne et déterminée.
Au village, nous avions formé un club, “Watch and Guard” (Surveillance et Gardiennage). J’en étais la gérante. Plusieurs races étaient présentes pour l’entraînement. D’abord, nous avions les commandements d’obéissance classique: Talon, marche, droite et gauche par la parole ou le geste. Puis: Saute, monte les escaliers, trouve l’intrus ou l’objet, défends, désarme, ramène l’intrus, et, bien sûr, avertit! Chaque chien devait être habitué aux coups de feu. J’emmenais mes jeunes Bouviers avec moi et je les laissais observer les chiens plus âgés s’entraîner. Ils se sont formés naturellement d’eux-mêmes.
Belco
Quand je me suis procuré Belco, il avait juste 10 mois. Personne n’avait idée de son futur illustre. Il venait de se remettre de la maladie de Carré (distemper). Il était stoïque, un observateur et accompagnateur. Les autres membres du club se moquaient de lui en disant : « Ce chien! Il ne ferait même pas peur à une oie! » Dash avait gagné la médaille d’argent en tant que meilleur chien d’attaque et de travail. Elle s’est chargée de l’entraînement de Belco.
Une journée, Belco apprit les responsabilités d’un Bouvier alors que j’étais allé dans un village voisin. Entrant dans un magasin, j'avais laissé dans l’auto ma petite nièce aux soins de Dash et Belco. On m’apprit plus tard ce qui s’est passé pendant mon absence.  De jeunes voyous avaient essayé de rentrer dans l’auto. Dash savait qu’elle pouvait gérer la situation, mais apparemment elle pensait qu’il était temps pour Belco d'apprendre à faire face. Belco ne bronchait pas, alors elle l’a poussé, tiré, mordillé jusqu’à ce que le déclic se fasse dans sa tête. Il s’est alors jeté à la face des voyous en rugissant!
Alors que les voyous s’enfuyaient, Dash s’assit. Son langage corporel semblant vouloir dire : « Enfin, la leçon a fini par entrer dans sa tête de mule! ». À partir de ce moment, Belco comprit ses responsabilités et les prit au sérieux. Fait intéressant, il a été par la suite le leader incontesté, mais il s’est toujours référé à Dash.
Un matin, nous avons trouvé une de mes dindes,  morte sur son nid avec des signes de combat violent. Elle n’avait qu’un petit trou au niveau du crâne. Notre fermier a suggéré que c’était le fait d’une belette. Cette nuit-là, chaussé de bottes d’équitation et armé d’une lampe de poche et d’un bâton, j’attendais de surprendre le tueur avec mes fidèles compagnons à quatre pattes. Lors de ma ronde, je surpris un énorme rat solitaire. Il était dressé sur ses pattes arrière, sifflant et préférant le combat à la fuite. Il défiait mes chiens. Ils hésitaient alors j’ai donné le commandement « Attaque! » Le rat s’est enroulé autour du museau d’un des chiens. Il était rapide comme l’éclair. Avant qu’il puisse mordre les chiens l’ont tué. Il était de la taille d’un teckel. Les rats sont malins. J’en ai déjà vu un se faire trainer par la queue par un autre alors qu’il protégeait un oeuf.
L’été de 1939 amena les présages et la peur de la guerre. Le mépris d’Hitler et le cliquetis de ses chars mirent au défi la volonté des puissances européennes. Elles le laissèrent reprendre la Sarre, que l’Allemagne avait dû céder à la France lors d’un plébiscite de la Société des Nations. Les troupes allemandes occupèrent les Sudètes et annexèrent l’Autriche. Il y eut un autre recul à Munich, puis l’invasion de la Pologne, et ce fut la guerre.
La France dépendait imprudemment de la Ligne Maginot qu’elle pensait imprenable. La population fut mobilisée, mais son gouvernement se désintégrait.
En Belgique aussi il y eut une mobilisation générale. Hitler avait dit qu’il n’envahirait jamais la Belgique. Certains, même dans notre armée, l’ont cru – probablement plus par espoir que par logique. La plupart d’entre nous n’y croyaient pas. Les nazis avaient planifié et préparé soigneusement leur coup. Ils avaient infiltré les pensées et les gens. Il y avait des espions, des collaborateurs et des saboteurs parmi nous.
Parce que notre maison était située sur le plus haut point d’une région plate menant vers la frontière allemande, elle fut rapidement réquisitionnée en tant que poste d’observation de l’artillerie. Les canons furent placés 2 miles plus loin. Je me suis rapidement impliquée. Circulant en bicyclette et accompagnée par mes chiens, je n’attirais pas l’attention et je pouvais rassembler des informations qui permettaient de corriger les positions des points stratégiques sur les cartes militaires. Parfois, je pouvais emprunter le cheval du commandant pour ces expéditions mais la plupart du temps j’utilisais mon vélo. Si Dash ou Belco étaient fatigués, ils sautaient dans une caisse sur le porte-bagage et faisaient le trajet leurs pattes sur mes épaules.
L’infanterie suivit rapidement l’artillerie. Environ 12000 hommes prirent position sur notre terrain et les propriétés environnantes. Je possédais plus de Bouviers alors. La plupart couraient librement à l’exception de quatre adultes qui étaient postés à des endroits stratégiques.
Des tranchées furent creusées rapidement, certaines sans considération du niveau de la nappe phréatique malgré mes avertissements. Elles furent rapidement pleines d’eau jusqu’au niveau de la taille. D’autres unités tinrent compte de mes connaissances de nos terres et leurs tranchées furent, en comparaison, confortables. Le réseau principal de tranchées était à seulement 75 pieds de notre maison. Un quart de miles plus loin se trouvait un canal antichar. Les arbres dans les bois furent coupés à deux pieds du sol, formant une autre barrière antichar.
Le premier étage de notre maison fut renforcé avec, une couche de tronc d’arbres puis des sacs de sable. Des branches et broussailles servaient de camouflage pour les mitrailleuses et unités de stockage des munitions. Les hommes d’infanterie furent répartis parmi les maisons civiles de notre village. Deux officiers habitèrent dans notre maison.
3 hommes étaient de garde à chaque poste pour une garde 24h sur 24. Toutes les sentinelles voulaient l’aide de nos chiens et chiots surtout lors des rondes de nuit. Personne ne pouvait approcher un Bouvier en garde sans être averti par un grognement sourd, ou un coup de museau. Les sentinelles somnolentes étaient ainsi averties de l’approche de l’officier de quart!
Les cuisines roulantes, encore tirées par des chevaux à l’époque, étaient utilisées pour nourrir les hommes. Chaque compagnie avait son appel à la soupe joyeusement repris par nos Bouviers. Ils se tenaient attentifs pour recevoir leur part de la soupe.
Nous avions besoin de charbon pour le chauffage et la cuisine, mais il n’y avait plus de livraison. On a improvisé une luge et nous avons harnaché mes chiens pour aller nous approvisionner au village. Zulma, notre âne blanc ayant refusé d’avancer et s’était tout simplement assis!
Le 11 mai 1940, toute personne possédant une voiture fut réquisitionnée pour évacuer les personnes âgées et malades. Quand je me suis présentée, je fus assignée pour accompagner le secrétaire de la mairie afin de transférer les archives dans une voute secrète à Anvers. Il s’agissait d’énormes livres reliés en cuir avec des fermoirs en cuivre. Par chance, mon automobile avait des suspensions renforcées ainsi que des pneus pour gros travaux qui, en temps de paix, servaient pour supporter le poids d’une remorque utilisée pour transporter le grain depuis les docks. Ce fut fort utile pour éviter les trous d’obus quand je dus conduire à travers les champs labourés. Tous les chromes de la voiture avaient dû être peints avec une peinture bleue spéciale. Nous devions aussi conduire sans les phares durant les couvre-feux. Lors de mon retour, en traversant le pont de Wyneghem où je laissais le secrétaire, je vis un avion dans le canal. Je retournais à la maison seule avec Belco.
Il était trois heures du matin lorsque j’arrivais avec Belco comme garde du corps. Il y eut plusieurs embuches, car le mot de passe pour franchir les lignes avait été changé. À plusieurs reprises, je fus mise en joue par une sentinelle  pointant son fusil muni d’une baïonnette. Un sentiment très inconfortable, surtout que je pouvais voir son doigt nerveux et tremblant sur la gâchette. Après seulement deux heures de repos, on m’ordonna de partir pour la côte, car le pont sur la route avait été miné et sa destruction était programmée. (ndt: pour ralentir la progression de l’armée ennemie).
Ma mère et moi chargeâmes à la hâte la voiture et la remorque avec des matelas et couvertures. Je pris aussi mon vélo. Ce fut mon seul moyen de transport plus tard. On emporta aussi une bonne provision d’œufs. Nous laissâmes 2000 œufs pour l’armée stationnée, car ils étaient en manque d’approvisionnement.
Je choisis Belco pour nous accompagner. Dash devenait vieille et les plus jeunes n’avaient pas autant d’expérience ni d’entraînement.
Quand nous arrivâmes à la maison de ma sœur à Anvers, le cuisinier nous informa que la famille était déjà partie pour La Panne sur la côte. Les bombes  avaient commencé à tomber. On laissa de côté notre argenterie, préférant garder notre réserve d’œufs. On prit une bonne réserve de bidons d'essence qui avaient été apportés par des citernes pour nous. Mon beau-frère était le gestionnaire  pour la plupart des pays d’Europe de la compagnie de Raffinage de l’Atlantique. Par ailleurs, il avait commandé de grandes quantités de sucre destiné à être versé dans les dépôts de carburant  à l’approche de l’armée allemande. Non seulement l’essence serait inutilisable pour leurs chars, mais cela rendrait leurs moteurs inutilisables.
Le lent exode vers la côte nous prit environ deux jours, pour un trajet qui prenait habituellement trois heures. Les routes étaient bloquées par le trafic militaire et civil. Les réfugiés étaient dans tous les états. Ils se déplaçaient en voiture, en vélo, en brouette, à pied, bref, dans tout ce qui possédait des roues et qui pouvait bouger. La ville de Gand avait été bombardée et il n’y avait pas de place nulle part. On s’est rendu jusqu’aux grilles de fer du château. Nous nous présentâmes en demandant l’asile pour la nuit. Belco et quelques œufs, une denrée devenue rare, furent notre sésame comme ce fut souvent le cas durant notre périple.
Nous rejoignîmes une partie de la famille sur la côte. Puis on nous ordonna de partir pour la France, car notre point d’entrée avait été fermé.
Après quelques arrangements, on se joignit à un convoi de la compagnie de téléphone Bell envoyé à Paris avec leur équipement spécial. Lors du passage à la frontière j’ai ordonné à Belco de rester caché sous un matelas pour éviter des délais supplémentaires à la douane. Les troupes françaises nous séparèrent du reste du convoi au carrefour, alors on commença un « Tour de France »  incluant Calais, Abbeville et Dunkerque. Nous devions nous abriter quand c’était possible pour nous protéger  des avions bombardant ou mitraillant les civils. Une fois, alors que nous étions parechoc à parechoc le long d’une allée bordée d’arbres d’un côté et de champs de l’autre, on sauta hors de la voiture, laissant Belco pour la garder. On courut vers un bouquet d’arbres et avons fini dans un tas de fumier. En retournant à la voiture, on voyait de nombreuses personnes hébétées qui marchaient. Un jeune couple a tenu son bébé mort dans leurs bras. Ils ont entendu pleurer et se sont arrêtés. Il y avait un autre bébé à côté de ses parents morts. Après quelques hésitations le couple a échangé les bébés.
On s’est dirigé vers Clermond-Ferrand où nous avions des amis. Notre voiture fut mise à la fourrière et nous sommes restés trois semaines. Nous avions caché nos réserves d’essence et d’outils dans le garage de la résidence d’été d’un ami. Je suis restée active durant ce temps. Dépendant de mon vélo pour le transport et de Belco pour ma protection, j’essayais d’aider les réfugiés qui arrivaient dans un état de plus en plus pitoyable. Les Allemands approchaient de plus en plus, puis ils arrivèrent à Vichy, juste à 5 kms. Par chance, ils s’arrêtèrent là pour apprécier vins et champagne. Ce qui nous donna quelques heures pour nous enfuir.
Les réfugiés avaient reçu l’ordre de rester là où ils étaient, mais je craignais de rencontrer les Allemands, et j’avais plus de raisons de les craindre que je ne le pensais. J’appris bien plus tard que notre fermier nous avait trahis et qu’il y avait une récompense pour ma capture.
Partir était difficile et dangereux. Depuis notre cache, je pris deux bidons d’essence, je les sanglais sur mon vélo. Belco m’a aidé à pousser le tout en haut de la colline et je sortis effrontément ma voiture de la fourrière, sans rien demander à personne.
Je me suis précipitée vers le chalet pour me renseigner sur la meilleure façon de quitter la ville. C’était important qu’on s’autodiscipline pour ne pas céder à la panique. Nous avons attendu la tombée de la nuit avant de charger la voiture. J’étais devenue une silhouette familière dans la ville avec mon vélo et mon chien, mais c’est une autre histoire.  Chaque détail devait être planifié. Le policier de garde cette nuit là fut payé pour regarder de l’autre côté. Nous devions traverser les montagnes au clair de lune. Le trajet passant par Mont-Doré, altitude 6000 pieds, était une route venteuse et sinueuse.
Voyageant sans phares, nous nous sommes dirigés vers Périgueux, en route vers Bordeaux. Depuis ce port de la côte Sud-Ouest de la France, nous espérions rejoindre ma sœur, son mari et sa fille. Des voitures étaient abandonnées partout sur la route, certaines avaient été détruites. La plupart étaient devenues inutiles après avoir consommé leur dernière goutte d’essence.
Nous espérions arriver à l’heure pour embarquer sur le Manhattan, pour son dernier voyage vers les États-Unis. Mais en route, on apprit que les Allemands avaient entouré Bordeaux. On choisit Bayonne comme notre meilleure alternative. C’est la ville la plus éloignée sur le golfe de Gascogne. On est de nouveau allé vers l’Est pour obtenir un visa pour Cahors, une ancienne ville romaine. Là, nous avons trouvé plus de confusion, une foule criant et poussant dans tous les sens. Les responsables du quartier général poussèrent tout le monde dehors.
Je passais derrière le bâtiment et je me suis faufilée par une fenêtre. Je me suis présenté calmement au guichet. Parce que j’étais si calme, on a supposé que je faisais partie (du personnel). Lorsque le commandant du poste est arrivé, je fus en mesure de partir rapidement (avec mon visa).
J’avais laissé ma mère dans la voiture avec Belco. Bien que ce devait être un grand moment de stress pour lui, un homme a senti le besoin de s’arrêter quelques instants. Il dit :
- « Oh un Bouvier! Je dois ma vie à un Bouvier durant la Première Guerre mondiale. J’étais laissé pour mort dans les tranchées. Les ambulanciers accompagnés d’un Bouvier m’ont dépassé. Ils ne voyaient aucun signe de vie, mais le Bouvier insistait. Par chance le chien avait raison et ils m’ont emmené à l’infirmerie. C’était il y a vingt ans. »
D'Anvers à Lisbonne
Après bien d’autres aventures et pressé par la précarité de notre situation nous sommes arrivés à Bayonne.
Comme d’habitude, il n’y avait aucun logement de disponible. Les Français avaient signé un armistice. Cela semblait uniquement créer plus de confusion, si c’était possible. Nous devions dormir dans la voiture, ma mère sur la banquette avant, Belco et moi sur la banquette arrière. Je fus tiré d’un sommeil difficile par Belco en mode attaque. Il sauta sur le siège avant et agrippa un homme qui pointait un révolver sur ma mère. Un autre homme se tenait de l’autre côté de la voiture. Je n’ai jamais vu deux hommes courir aussi vite! Nous n’aurions pas été les premières victimes des pillards en ces jours sans foi ni loi.
Nous avons dû rester dans les Pyrénées pendant 18 mois. La nourriture était extrêmement rare et il fallait survivre avec seulement 900 calories par personne par jour. Ce fut durant cette période que Belco m’a sauvé la vie de nouveau. Alors que je roulais en vélo sur une route de montagne, un camion venant dans l’autre sens, surchargé, des sacs en surplomb fit une embardée de mon côté de la route, me laissant à peine 1 pied entre lui et le précipice à ma droite. Je me suis couché sur le guidon et Belco était en laisse à ma droite. En me tirant aussi fort qu’il pouvait, il m’empêcha de tomber sous les roues du camion. Le camion est passé, me laissant comme un tas sur la route. Belco m’a aidé à revenir à la maison.
Finalement, après trois mois au Portugal, nous avons pu embarquer pour l’Amérique. Nous y sommes arrivés en toute sécurité en mai 1942.
Belco et moi avons fait des démonstrations pour "Dogs for Defense", nous avons aidé à former les entraineurs pour le corps canin (K-9) des garde-côtes. Les garde-côtes ont obtenu une magnifique femelle, Ch. Lisa. Accouplé avec elle,  Belco est devenu le géniteur (sire)  des chiots pour "Dogs for Defense". De plus, Lisa et lui nous aidèrent à recueillir des fonds  pour le programme en tirant des chariots avec des boites de collecte.
Belco est décédé à l’âge de 12 ans. Brave et loyal jusqu’à la fin. Je l’ai fait empailler et l’ai apporté avec moi ici à Collegeville, Pennsylvanie.
Nous ne furent jamais dédommagés pour l’occupation militaire ni les dommages faits à notre maison en Belgique. Ce qui n’avait pas été démoli par les V-Bombes a été volé. Ma tête avait été mise à prix, mais grâce à Belco, nous étions toujours un pas en avant de l’armée allemande qui avançait. Ils m’ont cherché jusqu’à la fin. J’ai perdu tout ce que j’avais à l’exception de Belco. Il vit au travers de ses descendants et ne sera jamais oublié...

Notes de Jim Engel:
- Mme Bowles est née à Anvers, Belgique le 22 juin 1899.
- Son père et sa mère ont été séparés, possiblement durant la guerre. Le sujet n’a jamais été abordé.

Commentaires de Kathy Engel:
J’ajouterai plusieurs commentaires suite aux conversations avec Mme Bowles :
- Belco n’était pas son meilleur chien (au sens meilleur en conformation ou avec le meilleur tempérament), mais il était le mieux entraîné, et c’est pour cela qu’elle l’a gardé.
- Des années plus tard, Mme Bowles est retournée en Europe et a cherché à retrouver plusieurs de ses chiens perdus. Certains avaient été mangés à cause de la famine – Elle le comprit. Elle dit aussi qu’elle a retrouvé plusieurs chiens apparentés chez des fermiers, mais n’a pas voulu élaborer là-dessus.
- Lorsque la ration quotidienne fut restreinte à 900 calories par jour, trouver de la nourriture pour Belco était tout un défi. Elle se rendit dans des abattoirs pour se procurer du sang pour le nourrir. Ce qui lui donna la diarrhée, mais lui permit de survivre. Lorsqu’elle avait un peu de nourriture en extra, elle le lui donnait.
- C’était une femme fascinante. Elle avait étudié l’architecture lorsqu’elle vivait à Londres (si je me souviens bien) et plusieurs de ses croquis  se trouvaient sur les murs de sa maison en Pennsylvanie. Elle avait des meubles antiques, des tapisseries, de l’argenterie et de très beaux tapis en laine. Je ne lui ai jamais demandé si c’était des restes de ce qu’ils possédaient en Europe ou si elle les avait acquis par après.
- Sa mère a habité avec elle à la ferme Belco durant un certain temps; et était connue pour chasser les intrus hors de la propriété avec sa canne. C’était avant notre temps. Mais je trouve l’image séduisante.

Texte original (Anglais) traduit avec permission.
Jim Engel, Marengo    © Copyright 1996. Rev Dec 21, 2015
Traduction C. Nécaille, Juillet 2016.
Photos © Copyright Jim Engel, Marengo.



Postface.
J’espère que ce récit vous a plu. Voyez-vous toujours vos Bouviers avec le même regard? Pour faire suite à cette histoire voici quelques informations supplémentaires :
- On retrouve trace des premiers Bouviers des Flandres dans les registres en Amérique du Nord à partir des années 1920. La race a été officiellement reconnue par l’AKC (American Kennel Club) en 1931. Toutefois, jusqu’au milieu des années 40, le nombre de naissances enregistrées se compte sur les doigts de la main.
- Au Canada, la première nichée de Bouviers a été enregistrée en 1960
- Mme Bowles est celle qui a développé la race aux États-Unis. Depuis les années 50 jusqu’aux années 80, la lignée du Clos des Cerbères est la source des lignées américaines de Bouviers, et a été reconnue comme une des meilleures au monde par des personnes de renom tel que Justin Chastel.
- En fouillant les banques de données pedigree, j’ai découvert que Zarha et Axelle sont-elles même de lointaines descendantes (13 et 14e génération) de Belco.  D’ailleurs vous pouvez faire vos recherches facilement sur le site BouvierPedigrees.com
Retrouvez-vous dans vos chiens certains traits de caractère de Belco?

Christophe Nécaille.

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